GRIGNAN



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



GRIGNAN



GRIGNAN (Grinianum). - Il est situé sur la route départementale de Montélimar à Nyons par Valréas, à 27 kilomètres sud-est de la première de ces villes. Sa population est de 2,025 individus. C'est un chef-lieu de canton ; il y a un bureau d'enregistrement et une brigade de gendarmerie à cheval.
Placée au revers d'un coteau escarpé, au sommet duquel sont les ruines de cet antique château qu'ont rendu célèbre les noms de M.me de Sévigné et de sa fille chérie la comtesse de Grignan, cette petite ville est dans une situation pittoresque et riante ; mais les vents y sont impétueux et fréquens : ils y détruisent souvent une partie des récoltes. Aussi prétend-on que son nom latin vient de Grynée, parce qu'elle est, comme cette ville d'Éolie, sous l'influence habituelle des vents, et qu'Apollon Gryneus y eut aussi un temple.
Son territoire, généralement maigre et sablonneux, est baigné au nord par la rivière de Berre, et au midi par le Lez, sur lequel les deux départemens de la Drome et de Vaucluse viennent de faire construire un fort beau pont qui porte le nom de Sévigné. Les productions principales sont le vin et la soie. Les fruits y sont abondans et délicieux. M.me de Sévigné vante beaucoup les melons, les figues et les muscats de Grignan, et ils méritent cette distinction (1) (1) « Pour les melons, les figues et les muscats, c'est, dit-elle, une chose étrange : si nous voulions, par quelque bizarre fantaisie, trouver un mauvais melon, nous serions obligés de le faire venir de Paris ; il ne s'en trouve point ici. Les figues sont blanches et sucrées, les muscats comme des grains d'ambre que l'on peut croquer, et qui vous feraient fort bien tourner la tête, si vous en mangiez sans mesure, parce que c'est comme si l'on buvait à petits traits du plus exquis vin de Saint-Laurent. »
(Lettre de M.me de Sévigné à M. de Coulanges, du 9 septembre 1694.)
. On y trouve aussi d'excellentes truffes, qui ont des débouchés avantageux dans nos principales villes du nord, et notamment à Paris.
Il s'y tient sept foires par an et un marché le mercredi de chaque semaine.
Il y avait avant la révolution une collégiale fondée en 1512. Le doyen portait la mitre et la crosse ; il était ordinairement grand-vicaire et official de l'évêque de Die pour la partie de ce diocèse située en Provence. Le comte de Grignan nommait à tous les canonicats ; il portait lui-même le titre de chanoine, et l'on mettait toujours une aumusse à la place qu'il occupait au choeur.
Le comté de Grignan était fort ancien. C'était dans le principe une baronnie, qui fut érigée en comté en 1550, avec juridiction d'appeau. En 1164, Giraud Adhémar fit hommage de ses terres à l'empereur Frédéric Ier, et en obtint, pour le comté de Grignan, le droit de souveraineté et le privilége de faire partie des terres adjacentes, avec les villages de Montségur, Chantemerle, Salles, Colonzelle, Montdragon, Allan et Réauville, qui dépendaient de ce comté. C'est ainsi qu'il forma un bailliage particulier entièrement séparé de la Provence, comme les comtés de Sault, de Forcalquier et des Baux. Il avait donné son nom à une des branches des Adhémar de Monteil, qui le possédèrent jusque vers le milieu du XVIIIme siècle, et à l'extinction de cette famille il fut vendu à Jean-Baptiste de Félix, marquis du Muy.
Le château était un des plus remarquables, le plus beau peut-être de la Provence. Le dernier comte de Grignan avait coutume d'y réunir, dans la belle saison, une cour brillante et nombreuse. Ce château a été détruit dans les premières années de la révolution ; mais les ruines encore debout attestent son antique magnificence. Une grande et belle terrasse, d'où la vue plane au loin sur toutes les communes des environs, reste entière. L'église est au-dessous, et une borne marque l'endroit correspondant au maître-autel. La beauté de cet édifice répondait à la grandeur du château, et c'est avec raison que l'administration la considère et la fait entretenir comme église monumentale.
On lit sur la façade l'inscription suivante :
DEO OPTIMO SALVATORI TRANSFIGVRATO LVD. GAVCHERIVS ADEMAR COMES GRIGNANI PORTICVM CALVINISTAR RABIE DIRVTAM RESTITVIT. CI. IC. LIV.
A Dieu très bon, notre sauveur, qui s'est transfiguré. Louis Gaucher-Adhémar, comte de Grignan, a rétabli ce portique qui avait été renversé par la fureur des calvinistes. 1654.
C'est dans le château de Grignan que M.me de Sévigné est morte à l'âge de

Vue du château de Grignan
70 ans. Ses cendres reposent dans l'église paroissiale, et sur son tombeau, recouvert d'un marbre blanc, bordé d'une double raie noire, taillé en losange et sans ornemens, est cette inscription :
CY GIT MARIE DE RABUTIN CHANTAL MARQUISE DE SÉVIGNÉ DÉCÉDÉE LE 18 AURIL 1696.
A quinze minutes au sud-ouest de Grignan, on trouve la grotte de Roche-Courbière, où se voient encore quelques rameaux du figuier à l'ombre duquel ont été écrites beaucoup de lettres de M.me de Sévigné. Il jaillit de cette grotte, aujourd'hui dégradée, une eau de la plus grande limpidité.
Les souvenirs si pleins d'intérêt que rappelle le château de Grignan, attirent chaque jour dans cette ville beaucoup d'étrangers, et surtout des Anglais.
On voit à la mairie, sur les registres de l'état-civil de 1695, l'acte de célébration de mariage du marquis de Simiane avec cette charmante Pauline de Grignan qui, dès l'âge de 17 ans, ne se faisait pas moins remarquer par les grâces de son esprit que par sa beauté. L'acte est revêtu de la signature de M.me de Sévigné.
Un tronçon de colonne de granit presque noir, qui a supporté long temps le bénitier d'une des chapelles du cimetière, et qui sert maintenant de borne sous la tour de l'horloge, porte l'inscription suivante :
IMP CAES FL VAL CONSTANTINO PF AVG NERON DIV CONSTANTI AVG PII FI IO
Cette inscription, restée jusqu'ici inédite, paraît se rapporter au IVme siècle et au règne des Constantins ; mais le nom de Néron, qui s'y trouve mêlé et qui n'a jamais appartenu à cette famille, en rend l'interprétation difficile.
Grignan est la patrie du médecin Joseph Chambon, né en 1647. Reçu à l'académie d'Avignon en 1678, il s'établit d'abord à Marseille, et alla ensuite successivement exercer sa profession dans presque tous les états de l'Europe. De retour à Marseille, il y devint médecin des galères, et mourut vers 1732. On a de lui : Principes de physique rapportés à la médecine-pratique ; Paris, in-12, en 3 parties, 1712-14-16 ; - Traité des métaux et minéraux ; Paris, 1714, in-12.

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